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Déclaration – Pourquoi faut-il repenser la mobilité dans la Région européenne de l’OMS ?

Déclaration du docteur Hans Henri P. Kluge, directeur régional de l’OMS pour l’Europe, à l’occasion de la Septième Semaine mondiale des Nations Unies pour la sécurité routière (15-21 mai 2023)

15 mai 2023
Déclaration
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La mobilité est à la croisée des chemins. 

Il n’y a pas de meilleur moment que celui d’un monde émergeant de la pandémie de COVID-19 pour que les pouvoirs publics et leurs partenaires repensent le transport routier et la mobilité. 

Le maintien du statu quo impliquerait de continuer à construire des infrastructures et des systèmes de transport routier répondant principalement aux besoins des véhicules privés motorisés, plutôt qu’aux besoins réels des populations en matière de mobilité et d’accessibilité.

Il est bien connu que plus de routes avec plus de voies de circulation, c’est aussi plus de voitures. L’expérience des villes du monde entier montre qu’une telle expansion n’est pas viable. Cela entraîne en effet des décès, des traumatismes et des handicaps, et contribue aux embouteillages, aux longs déplacements et au stress qui en découle, aux maladies non transmissibles dues à la mauvaise qualité de l’air, au bruit et à la réduction des possibilités d’activité physique, aux émissions de gaz à effet de serre qui alimentent le changement climatique, à l’imperméabilisation des sols, ainsi qu’à l’utilisation et à la fragmentation des terres. 

Une nouvelle vision de la mobilité exigerait de construire ou de réaménager les routes et les espaces publics pour tous, en accordant la priorité aux besoins d’accessibilité et de mobilité des personnes les plus vulnérables aux effets du transport motorisé, à savoir les enfants, les femmes, les handicapés et les personnes âgées. 

Les pouvoirs publics pourraient y parvenir en augmentant les investissements dans les modes de transport actif, tels que la marche, le vélo et les transports publics, ainsi que dans un urbanisme permettant d’accéder aux services et aux infrastructures à des distances pouvant être facilement parcourues à pied ou à vélo. 

Or, cela ne peut être envisagé que si les routes que nous construisons, et celles qui existent déjà, sont sécurisées. 

Aujourd’hui, nous continuons à payer un tragique tribut à notre mobilité avec, chaque année, 70 000 décès et des centaines de milliers de traumatismes non mortels dus aux accidents de la route dans la Région européenne de l’OMS. 

Les accidents de la route tuent plus d’enfants et de jeunes âgés de 5 à 29 ans dans la Région que toute autre cause. Les traumatismes graves évitables font peser une lourde charge sur des services de santé déjà débordés, tandis que les handicaps de longue durée, qui touchent le plus souvent des jeunes, grèvent lourdement les services de réadaptation et les systèmes de protection sociale qui ont déjà du mal à faire face à la situation. 

Pour repenser la manière dont nous nous déplaçons sur les routes du monde, il est indispensable de placer la sécurité au cœur des systèmes de mobilité et d’urbanisme. Paradoxalement, si les transports aériens, ferroviaires et maritimes ont déjà intégré cette optique, le mythe fataliste des « accidents » de la route, selon lequel ces derniers sont en quelque sorte inévitables et qu’on ne peut rien y faire, a conduit à des acceptations et à des compromis qui ne seraient jamais tolérés dans aucun autre mode de transport.

Les pouvoirs publics doivent donc agir pour sécuriser les véhicules et les routes, améliorer la manière dont les populations évaluent les risques routiers et y répondent, et veiller à ce qu’en cas d’accident, les blessés aient accès à des soins d’urgence et de réadaptation rapides, de qualité et susceptibles de leur sauver la vie. 

Le Plan mondial pour la Décennie d’action pour la sécurité routière 2021-2030 appelle à une action continue dans tous ces domaines. En outre, le plan mondial souligne qu’une évolution vers des routes et des réseaux routiers centrés sur la personne – planifiés, conçus, construits et exploités pour éliminer les risques – permettra de sauver des vies. 

Ces routes prennent avant tout en compte les personnes les plus vulnérables aux traumatismes : les enfants et les adolescents, les femmes, les handicapés, les personnes âgées, qui sont le plus souvent des piétons, les cyclistes et les usagers des transports publics. 

Dans le meilleur des cas, des transports et une mobilité sûrs, durables et sains peuvent contribuer à un changement social positif dans de nombreux secteurs de la société. 

Faciliter la pratique de la marche et du vélo peut avoir un impact favorable sur la santé physique et mentale ainsi que sur l’environnement, en permettant aux populations de récolter les fruits de leur activité physique, de respirer un air plus pur et de réduire les émissions de carbone. 

Avec les transports publics, la marche et le vélo peuvent contribuer à promouvoir des sociétés plus équitables, où les personnes de tous les niveaux socioéconomiques ont le même degré d’accès à l’emploi, à l’éducation, aux soins de santé et à d’autres services. 

Alors que quelque 70 % de la population mondiale devrait vivre en milieu urbain d’ici 2030, la demande de transports publics pour faciliter le déplacement de populations nombreuses et en augmentation constante va s’accroître. 

Lorsqu’ils sont sécurisés, les bus, les tramways et les trains de banlieue, qui transportent plus de passagers que les véhicules privés motorisés, peuvent être les champions de la sécurité, de l’inclusion et de la prospérité. 

La Région est bien placée pour faciliter cette transformation, par exemple en tirant parti de l’engagement politique pris par ses États membres à travers l’adoption, lors de la Cinquième Réunion de haut niveau sur les transports, la santé et l’environnement en 2021, de la « Déclaration de Vienne : reconstruire en mieux en adoptant une mobilité et des transports nouveaux, propres, sûrs, sains et inclusifs ».

Les rues vivables sont l’essence de toutes les communautés.

Nous devons collectivement profiter de cette occasion afin de repenser, et de refaire, la mobilité, pour le bien-être des populations et de la planète, aujourd’hui et pour les générations à venir.