L’aide humanitaire entrant à Gaza est à son niveau le plus bas depuis des mois, selon l’ONU
Alors que la situation dans le nord de la bande de Gaza est jugée « catastrophique » en raison des difficultés d’accès ainsi que du manque de fournitures et d’équipes médicales, l’aide humanitaire entrant dans l’enclave palestinienne est à son niveau le plus bas depuis des mois, ont alerté mercredi des agences humanitaires des Nations Unies.
Avec la poursuite des hostilités, la « baisse spectaculaire » de l’aide humanitaire s’accompagne d’une grave pénurie de produits commerciaux. Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), pas plus de 100 camions de produits commerciaux seraient entrés dans la bande de Gaza depuis le 1er octobre.
À la fin du mois d’octobre 2024, environ 100.000 tonnes de denrées alimentaires, soit l’équivalent de plus de deux mois de rations alimentaires pour l’ensemble de la population, attendent toujours d’entrer à l’extérieur de la bande de Gaza et doivent être acheminées d’urgence pour éviter une nouvelle diminution de la distribution alimentaire. Selon l’OCHA, le risque de détérioration et d’infestation des réserves alimentaires bloquées a également augmenté de manière significative.
Les systèmes alimentaires se sont effondrés
D’une manière générale, les restrictions imposées à l’aide humanitaire entrant dans Gaza sont jugées « sévères » par les humanitaires. Au cours du mois d’octobre, le Programme alimentaire mondial (PAM) indique que 5.000 tonnes de nourriture ont été livrées à Gaza, ce qui ne représente que 20 % de l’aide alimentaire de base pour les 1,1 million d’êtres humains qui dépendent de l’aide vitale du PAM dans cette région.
Si l’accès aux routes, les soins de santé, l’énergie, l’eau, l’assainissement, l’hygiène et les conditions d’hébergement se détériorent davantage, les taux déjà alarmants d’insécurité alimentaire et de malnutrition risquent de s’aggraver.
« La population n’a plus aucun moyen de faire face à la situation, les systèmes alimentaires se sont effondrés et le risque de famine persiste, ce qui nécessite une reprise immédiate et à grande échelle de l’approvisionnement humanitaire dans la bande de Gaza », ont alerté les agences des Nations Unies.
Sur un autre plan, le PAM prévient également que la crise humanitaire actuelle à Gaza pourrait bientôt dégénérer en famine si des mesures immédiates ne sont pas prises. À l’approche de l’hiver, le manque de nourriture et d’autres fournitures humanitaires vitales entrant dans la bande de Gaza aura probablement des conséquences catastrophiques, selon le PAM.

Un groupe plus important pourrait être touché par la famine
Cette alerte intervient dans un climat d’inquiétudes. Au début du mois d’octobre, un rapport du Cadre de classification intégrée de la sécurité alimentaire (IPC) avait déjà prévenu que d’ici novembre, plus de 90 % de la population de Gaza serait confrontée à une grave insécurité alimentaire.
« Aujourd’hui, alors que la situation dans le nord de Gaza continue de se détériorer, la probabilité qu’un groupe plus important soit touché par la famine augmentera certainement, à moins que les conditions sur le terrain ne s’améliorent », ont mis en garde les agences.
Par ailleurs, l’escalade des hostilités et les ordres d’évacuation ont gravement affecté la mise en œuvre des activités de la nutrition, en particulier dans le nord de Gaza, en raison de l’accès réduit aux services de santé. Cela a entraîné des retards dans la détection des cas de malnutrition et l’instauration de traitements pour les enfants qui en ont besoin, ainsi qu’un suivi compromis des cas d’enfants déjà sous traitement.
Depuis janvier, et malgré plusieurs tentatives pour intensifier le programme de nutrition, les déplacements récurrents, y compris ceux des partenaires nutritionnels eux-mêmes, le rétrécissement de l’espace humanitaire et les complications persistantes de la chaîne d’approvisionnement n’ont pas permis de couvrir tous les besoins, malgré le prépositionnement de quantités adéquates de fournitures en dehors de la bande de Gaza.
Au moins sept incidents faisant de nombreuses victimes en une semaine
Cette détérioration de la situation humanitaire s’accompagne d’inquiétudes sur le plan sécuritaire. Au moins sept incidents faisant de nombreuses victimes ont été signalés dans l’enclave palestinienne, au cours de la semaine écoulée, dont quatre dans la partie septentrionale. Parmi ces incidents répertoriés entre le 22 et le 29 octobre 2024, le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) souligne qu’au moins 93 Palestiniens ont été tués ou portés disparus sous les décombres hier mardi 29 octobre, à la suite d’une frappe israélienne sur un immeuble résidentiel à Beit Lahya, dans le nord de Gaza.
Entre 150 et 200 personnes auraient été tuées ou blessées lorsqu’un immeuble résidentiel de onze maisons a été touché dans le camp de réfugiés de Jabalia le 24 octobre, selon le ministère gazaoui de la Santé. Les 24 et 25 octobre, le ministère de la Santé a indiqué qu’un total de 38 Palestiniens ont été tués et des dizaines d’autres, principalement des enfants et des femmes, ont été blessés lorsque plusieurs bâtiments résidentiels ont été détruits au cours d’une opération militaire dans les zones de Qizan An Najjar et Al Manara à Khan Younis, tandis qu’environ 20 personnes étaient portées disparues.
Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme (HCDH) s’est dit, hier, consterné par l’attaque meurtrière menée mardi matin par les forces israéliennes à Beit Lahiya.
« Il est impératif qu’Israël permette aux services de secours d’urgence d’accéder à ces sites dans le nord de Gaza. Dans certains cas, les secouristes eux-mêmes ont été attaqués alors qu’ils tentaient d’atteindre les blessés. Les hôpitaux ont également été touchés et sont désormais pratiquement hors service », a déclaré dans un communiqué, Jeremy Laurence, porte-parole du HCDH.

Au moins 14 humanitaires et quatre professionnels de la santé tués en octobre
Sur un autre plan, les humanitaires sont extrêmement préoccupés par les rapports sur le nombre exceptionnellement élevé de victimes dans la zone inaccessible de Beit Lahiya, au nord de Gaza. L’OCHA indique que les travailleurs humanitaires et les intervenants d’urgence continuent de faire face à des défis extrêmes pour aider la population de la bande de Gaza, souvent en prenant des risques considérables pour leur sécurité personnelle.
Depuis le début du mois, au moins 14 travailleurs humanitaires et quatre professionnels de la santé ont été tués et beaucoup d’autres blessés dans la bande de Gaza, dont certains n’étaient pas en service. Au total, depuis octobre de l’année dernière, 322 travailleurs humanitaires, dont 315 Palestiniens et sept étrangers, ont été tués, dont 237 membres du personnel des Nations Unies, parmi lesquels 233 membres du personnel de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA).
Ces violences de ces trois dernières semaines ont également poussé plus de 71.000 personnes à se déplacer du gouvernorat de Gaza Nord vers la ville de Gaza. Environ 100.000 personnes restent dans Gaza Nord, selon les estimations les plus récentes de l’ONU et de ses partenaires.
Gaza : « C’est une période sans précédent »

Navi Pillay et Chris Sidoti de la Commission d’enquête internationale indépendante sur le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et Israël ont conclu dans leur dernier rapport que les autorités israéliennes ont mis en œuvre une politique concertée visant à détruire le système de santé de Gaza.
Lors d'une conférence de presse à New York, Navi Pillay a également noté que « les détenus palestiniens ont subi des mauvais traitements persistants de la part des autorités israéliennes équivalant à de la torture ».
M. Sidoti a observé que la situation actuelle est « une période sans précédent ». « Les enfants ne sont pas des terroristes », a-t-il poursuivi, « mais entre ce qui s’est passé dans le sud d’Israël et depuis lors, il y a eu des milliers d’enfants tués, sans compter ceux qui ont été blessés ».
Il a qualifié le conflit de Gaza « d'usine israélienne à fabriquer du terrorisme » dont on ne voit pas la fin.
Evoquant la récente décision de la Cour internationale de justice (CIJ), il l'a qualifiée de voie potentielle à suivre, car « le droit fournit la base sur laquelle toute négociation de paix peut avoir lieu ».
Une experte accuse Israël de mener une campagne génocidaire

Plus tôt dans la journée, la Rapporteure spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, Francesca Albanese, a dénoncé les « développements horribles » à Gaza, « un désert de décombres, d’ordures et de restes humains », et en Cisjordanie, où les forces israéliennes ont mené plus de 5.500 raids et soutenu bon nombre des 1.080 attaques violentes de colons, tuant 735 Palestiniens, soit 10 fois le taux de mortalité annuel des 20 dernières années.
Mme Albanese faisait un exposé devant la Troisième Commission de l’Assemblée générale des Nations Unies. Selon elle, « ces développements renforcent mon évaluation selon laquelle Israël mène une campagne génocidaire contre les Palestiniens ».
Elle a déclaré que le crime de génocide consiste en « des actes accompagnés de l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, en tant que tel ».
Ces actes vont de l’incitation des dirigeants à détruire Gaza dans son intégralité, prétendument pour libérer les otages et éradiquer le Hamas, à toute action menée dans le cadre de la destruction en cours, a-t-elle dit, faisant référence au « nettoyage » d’un territoire qui comprend la Cisjordanie, Jérusalem-Est et Gaza, et qu’Israël considère comme le sien.
Pour Mme Albanese, « les événements brutaux du 7 octobre ont donné l’impulsion nécessaire pour avancer vers l’objectif d’un « grand Israël ». Qualifiant le traumatisme et la colère ressentis par les Israéliens de « tout à fait compréhensibles » à l’époque, elle a noté que cela « a approfondi une animosité collective préexistante envers les Palestiniens ».
Les appels à l’annihilation se sont donc multipliés, a-t-elle observé, avant de souligner la « dimension collective » du crime actuel de génocide, car les institutions de l’État d’Israël, un « système autoproclamé d’État de droit », ont fait avancer la catastrophe actuelle au lieu de la contenir.